📚 GĂ©niale Clarice Lispector

Qui ?

« Je suis habituĂ©e Ă  envisager le danger que signifie penser. Je pense et ça ne m’impressionne pas. Mais je ne suis pas intellectuelle ni rationnelle. Cela revient Ă  utiliser surtout l’intelligence, et je ne fais pas ça : ce que j’utilise c’est l’intuition, l’instinct. Je vais voir un film et je ne cherche pas Ă  comprendre, je ressens. Est-ce que je retourne le voir ? Non, je ne veux pas courir le risque de le comprendre et de ne plus ressentir. » (Juan Forn, Pagina12, dans ses fameuses Contratapas). 

Clarice Lispector, c’est la fille cool du lycĂ©e. C’est l’hĂ©roĂŻne bourrĂ©e de talent, belle et tragique qui meurt jeune (57 ans !). 

Elle se considĂšre comme une « BrĂ©silienne nĂ©e ailleurs Â» et Ă©crit en Portugais brĂ©silien. Ailleurs ? Oui, car Clarice est nĂ©e Chaya Pinjasivna Lispector, en Ukraine, en 1920. C’est pour fuir les pogroms que sa famille, juive d’origine, s’exile au BrĂ©sil. L’auteure dit avoir deux mois Ă  ce moment, les biographes disent qu’elle avait en rĂ©alitĂ© deux ans. 

Elle a 15 ans quand sa famille s’installe dĂ©finitivement Ă  Rio de Janeiro. Tout le monde change de prĂ©nom. Chaya n’est plus, et Clarice n’est pas encore. Seule rĂ©miniscence du passĂ© : ce nom de famille Ă©nigmatique Lispector.  

Puis elle se marie Ă  un diplomate brĂ©silien qu’elle suit dans ses missions pendant 15 ans pouvant ainsi s’adonner pleinement Ă  l’écriture. Entre 1944 Ă  1959 le couple a vĂ©cu consĂ©cutivement en Italien, en Suisse, en Angleterre et aux États-Unis. Clarice qui entre temps est devenue la Clarice Lispector ne revint Ă  Rio que lorsqu’elle divorça, et y restera jusqu’à sa mort qui survint un jour avant son anniversaire. Tragique, vous disais-je
 

D’une Ă©lĂ©gance sans pareil et d’une beautĂ© admirĂ©e, elle fut connue dĂšs au sortir de l’adolescence puisqu’elle publia son premier roman PrĂšs du cƓur sauvage Ă  l’ñge de 21 ans (certains disent 19, d’autres 22
). En plus de l’Ă©criture pour plusieurs journaux, et de traductions, elle alimenta longtemps une rubrique trĂšs populaire dans le Jornal do Brasil, journal de renom de Rio.

En plus d’ĂȘtre talentueuse, et d’avoir ce style Ă  la fois Ă©trangement poĂ©tique et brumeux, mais nĂ©anmoins juste et Ă©trangement universel, elle Ă©tait une femme splendide Ă  l’élĂ©gance intacte. «  La voir m’impacta Â», se souvient le poĂšte Ferreira Gullar qui continue ainsi : « Elle avait les yeux verts en amande, les pommettes saillantes ; elle ressemblait Ă  une louve, une louve fascinante
 J’ai pensĂ© alors que si je venais Ă  la revoir, j’en tomberais Ă©perdument amoureux. Â»

Au BrĂ©sil, la diffusion du livre est assez diffĂ©rente de la maniĂšre française, puisqu’il est frĂ©quent que les livres soient distribuĂ©s sur les quais de gare, dans les stations de mĂ©tro ou directement dans les bars, par le biais de machines automatiques (les kiosques ou sortes de bureau de tabac et presse en vendent Ă©galement ; les librairies Ă©taient relativement rares et rĂ©servĂ©es Ă  une classe de chanceux Ă©conomiques et culturels, cela change petit Ă  petit). Vous imaginez donc que dans un distributeur, ne rentrent pas 100 livres ! Mais plutĂŽt 10, et Clarice y figurait souvent.

De surcroĂźt, on rĂ©cupĂ©ra sa correspondance d’une grande qualitĂ© qui fut rendue accessible dĂšs son dĂ©cĂšs et demeure Ă©tudiĂ©e. 

À sa mort en 77, « Clarice Â» comme on l’appelle alors au BrĂ©sil avec affection, est donc dĂ©jĂ  perçue comme une des figures importantes du pays. Des hommages lui furent rendus « tant par les taxis que par les philosophes Â» (pour citer Juan Forn). 

En somme Clarice Lispector fascinait de son vivant, tant par sa production que par sa personne elle-mĂȘme. Toutefois, et mĂȘme ainsi, la voilĂ  qui reste une des artistes et Ă©crivains du XXe siĂšcle les plus mĂ©connus. 

Un Magicienne ? Une SorciĂšre ? Une PoĂšte ?

On l’aura compris, Clarice a du charisme et elle enchante comme si Lady Di ou « MarlĂšne Dietrich avait Ă©crit un jour, ou si Kafka avait Ă©tĂ© une femme Â» dit alors la Française HĂ©lĂšne Cixous
 

Du charisme et du mystĂšre ! Outre son Ă©nigmatique biographie (2 mois en Ukraine ou 2 ans ? La premiĂšre biographe parie sur 2 ans), Clarice Lispector Ă©tait connue pour rester Ă©vasive avec les journalistes. En ce sens, Juan Forn dit alors « Clarice Lispector avait une Ă©coute interne constamment en Ă©tat de marche ce qui fait qu’elle donnait l’impression de toujours ĂȘtre ailleurs. Â» 

La forme converge avec le fond. La Canadienne Claire Varin, essayiste et spĂ©cialiste de notre auteure, raconte qu’un ami qu’elles avaient en commun l’a mise un jour en garde « fais attention, Clarice c’est de la sorcellerie. Â» Elle utilisait beaucoup la rĂ©pĂ©tition poursuit Claire Varin, « elle-mĂȘme disait ‘Si je lis trois fois de suite je tombe en extase’ ; elle utilisait beaucoup les structures ternaires : je flotte, je nage, je me rĂ©pands. [
] alors il y a une espĂšce de rythme dans tout ça qui fait qu’on y va avec elle, mais surtout c’est qu’on va loin avec elle, qu’on voit l’envers des choses, on est du cĂŽtĂ© de l’intuition, de l’invisible. Â».

Ses Chroniques sont quant Ă  elles Ă  mi-chemin entre l’essai et la poĂ©sie et sont particuliĂšrement reprĂ©sentatives de son Ă©criture facile Ă  lire et envoĂ»tante.

Kabal et mathématiques

ArrĂȘtons-nous briĂšvement sur son ascendance juive. Bien qu’elle ne le pratiqua pas personnellement, Ă  la maison des Lispector on parlait notamment le Yiddish par exemple. Aussi, et bien qu’elle n’en fit jamais grand cas au point mĂȘme de la dissimuler par peur d’ĂȘtre un jour dĂ©portĂ©e, cette ascendance aurait dĂ©veloppĂ© chez elle une Ă©tonnante superstition kabbalistique. Couplez cela avec le goĂ»t de l’Ă©crivaine pour les mathĂ©matiques et voilĂ  que son assistante racontait Ă  Claire Vavin comment les chiffres 7 et 13 obsĂ©daient l’écrivaine: « essayez au moins de lire 7 pages [
] Â» ou  « c’est bien, mais ne dĂ©passez pas 13 pages.» 

Et Claire Vavin de complĂ©ter par un dĂ©tail de la forme : « J’écris comme on additionne trois chiffres, les mathĂ©matiques de l’existence [
] J’ai beaucoup de petits fragments et si je les additionne ça fait un roman Â»

Terminons ce « qui suis-je? Â» par noter qu’en France elle est trĂšs injustement peu connue. Tandis qu’elle mĂ©riterait une place plus ample aux cĂŽtĂ©s de Saraute et Duras
 D’abord traduite par Plon en 1954, il faut surtout attendre la maison d’édition Des Femmes et des figures comme HĂ©lĂšne Cixous pour qu’elle soit plus rĂ©ellement prĂ©sentĂ©e.

GĂ©niale ? Absolument. Et ceci non pas seulement parce qu’on n’aurait pas trouvĂ© quelque chose de plus attractif, mais car Ă  en croire Patrick Lemoine (psychiatre et Dr. en neurosciences) : « pour avoir du gĂ©nie il faut ĂȘtre capable d’avoir des intuitions. […] Ce sont des gens qui ont des brĂšches entre la partie affective (celle qui se fiche des dogmes, celle qu’on a quand on rĂȘve) et irrationnelle, et ce que l’on appelle Ă  tortl’inconscient‘, le cartĂ©sien. » (cf. notes âŹ‡ïž) Intuition, innovation et ponts vers l’affectif et l’irrationnel, Lispector coche toutes les cases !

Quoi ? 

Sur le papier ce sont 18 livres, dont 7 romans, des nouvelles et des Chroniques qui sonnent tellement juste Ă©motionnellement que c’est de la poĂ©sie, Ă  n’en pas douter. 

Pourtant trop honnĂȘte et inculte ? 

« J’écris pour mon dĂ©sespoir et ma fatigue, je ne supporte plus la routine d’ĂȘtre moi, et si n’existait plus la nouveautĂ© continue que permet l’écriture, je mourrais symboliquement tous les jours Â».  Elle se livre sans chichis et se demande continuellement et comme nous tous « qui suis-je? Â». Ce procĂ©dĂ© honnĂȘte et sincĂšre la rapproche de son lecteur qui n’a pas forcĂ©ment besoin de s’identifier Ă  elle pour Ă©prouver une proximitĂ© rĂ©elle. 

Dans un autre texte, en toute honnĂȘtetĂ© toujours, elle affirme que son instinct prĂ©cĂšde Ă  son intelligence, et qu’elle n’est pas une intellectuelle au sens oĂč ni la pensĂ©e ni la culture ne rĂšgnent en maĂźtre dans son existence ou dans son Ɠuvre.

D’ailleurs Lispector est comparĂ©e Ă  Kafka, Ă  James Joyce et surtout, Ă  Virginia Woolf. (elle choisi tout de mĂȘme de s’appeler comme l’hĂ©roĂŻne Ms. Clarice Dalloway). Mais voilĂ  qu’elle dĂ©clare sans honte et avec aplomb qu’elle ne les a pas lus, qu’elle est d’ailleurs mauvaise lectrice en gĂ©nĂ©ral. Cela est intĂ©ressant car ça permet aux mauvais lecteurs de dĂ©complexer un peu. Clarice Lispector montre que le gĂ©nie n’est pas inhĂ©rent aux savoirs universitaires et le talent de l’écrivain n’est pas proportionnel Ă  sa bibliothĂšque.

Sans le vouloir, elle rĂ©sume ce que Virginia Woolf disait, pour Ă©crire il suffit d’avoir une chambre Ă  soi.  Sans le vouloir, Clarice Lispector est un personnage de Woolf, fĂ©minin, libre, talentueux, dĂ©tonant.

L’intĂ©rioritĂ© du fond et l’innovation de la forme 

Je vous vois venir. Était-elle fĂ©ministe ? Sans qu’elle ne l’ait jamais affirmĂ© publiquement, beaucoup attribuent Ă  son Ă©criture une certaine valorisation de la femme et de l’intĂ©rioritĂ© au fĂ©minin. Notons qu’à son Ă©poque (tout comme Ă  la nĂŽtre, un peu encore) le simple fait de transcrire le monde intĂ©rieur s’apparente Ă  une Ă©criture du monde gĂ©nĂ©ralement faite par les femmes. 

Si on l’associa vite Ă  Virginia Woolf, c’est notamment pour son usage (remarquable) de l’écriture en « courant de pensĂ©e Â» (stream of thoughts) qui plonge le lecteur dans l’immĂ©diatetĂ© psychique du personnage et suit le rite de ses pensĂ©es comme elles se prĂ©sentent. 

Clarice raconte ces femmes qui ont bien une chambre Ă  elles, mais Ă  qui cela ne suffit pas toujours. Elle esquisse des personnages comme la femme au foyer qui boit par ennui, ou cette autre qui se shoot aux antidĂ©presseurs, sans misĂ©rabilisme cependant. Ainsi va la vie, ainsi vit-on et la vie n’est pas triste, mĂȘme si l’humain l‘est. Juan Forn pense que « personne ne dĂ©crit jamais mieux qu’elle la relation aux antidĂ©presseurs », puis de relater les paroles de l’auteure « quand je prends une pilule, je n’écoute pas mes cris. Je sais que je crie, mais je ne m’entends pas. Â»

Toutefois il complĂšte en disant « qu’il est difficile de se retrouver avec une personne aussi amoureuse Ă  la fois de la vie et la mort que Clarice Lispector Â». Toujours selon Forn, « il n’y a cependant rien de plus glorieux qu’une femme folle d’amour pour la vie, et rien de plus effrayant qu’une folle d’amour de la mort. Lispector Ă©tait les deux. Â»

« Les faits m’incommodent Â», Ă©crivait-elle.

La BBC News Brasil dit qu’un mot « Claricien » dĂ©crivait ce qui essaye d’aller plus loin de ce qui est dit Â».

Un peu kafkaĂŻenne dit-on souvent. Oui, car elle aussi parle d’un gros cafard et car ses textes sont bizarres et vous laissent aisĂ©ment sur le carreau. Ils sont un peu surrĂ©alistes, mais jamais loufoques
 Ă©trangement rĂ©alistes.

Son premier roman fut un succĂšs au point de remporter la premiĂšre place de prix d’écriture et de littĂ©rature. 

Pourtant les textes Ă©tranges et troublants d’intĂ©rioritĂ© de Lispector avaient, a priori, peu de chance d’entrer en syntonie avec le genre rĂ©gionaliste qui rĂ©gnait alors et qui se vouait Ă  encenser la nation. (Pour se faire, ils se composaient d’un enchaĂźnement de faits et de la description de paysages). Les Argentins, et leur rupture plus directe, Ă  l’image de Marelle de Julio Cortazar ou de l’Aleph de J.Luis Borges sont finalement plus proches des innovations de la BrĂ©silienne avant-gardiste. Avec Lispector, ils seraient comme des symbolistes, lĂ©gĂšrement surrĂ©alistes et parfois cubistes dĂ©barquant dans la campagne naturaliste portugaise. 

Noeli LisbĂŽa, chercheuse universitaire brĂ©silienne pense qu’il y a chez Clarice, une innovation certaine qui passe par remise en question du langage, de ses limites, de son incapacitĂ© pour exprimer l’expĂ©rience humaine. Il y a deux phrases qui l’expriment particuliĂšrement : « Vivre ne peut ĂȘtre relatĂ© Â» et « la rĂ©alitĂ© n’a pas de synonymes Â».

La libertĂ© c’est peu. Ce que je dĂ©sire profondĂ©ment n’a pas de nom.

C’est pourquoi le bizarre et l’énigmatique envahissent Ă©galement la forme du texte : il arrive Ă  Lispector de rompre avec les rĂšgles de ponctuation comme un roman, par exemple, qui commence avec une virgule et qui se termine par deux points. 

Sans pour autant l’y cantonner exclusivement, il est possible de la rapprocher des innovations du Nouveau Roman, qui ont alors lieu en France. On retrouve effectivement chez Saraute par exemple, les thĂšmes de l’enfance, de la vie intĂ©rieure, de l’Ă©criture de la pensĂ©e comme elle surgit et les libertĂ©s quant aux rĂšgles d’Ă©criture.

L’écrivaine chilienne Andrea Jeftanovic disait qu’elle « est une auteure absolument expĂ©rimentale, se refusant Ă  Ă©crire des nouvelles conventionnelles ; dans ses livres, qui s’assujettissent difficilement Ă  un style spĂ©cifique, la trame est minime. Son Ɠuvre se distingue par l’exaltation de la vivance* intĂ©rieure (depuis la vivancia espagnole, mais correspond aussi Ă  l’usage de David Lopez, qui le popularise notamment avec Vivance, Seuil, 2022.). 

Oui, mais attention Ă  ne pas penser que ce n’est qu’un jeu de rebelle avec les normes ! Les textes de Clarice Lispector ressemblent Ă  des journaux intimes plus qu’à un thriller, mais quels journaux ! Pas le mien, Ă©crit aux toilettes, en rentrant d’une soirĂ©e arrosĂ©e ou aprĂšs un bon film, non ! Dans ceux de Clarice tout tombe juste et tout sonne poĂ©tique. Cette simplicitĂ© est obtenue par un jeu intellectuel et une virtuositĂ© sans pareil pour peindre avec les mots, le paysage intĂ©rieur et ses distances prises avec la rĂ©alitĂ© extĂ©rieure.

En effet, dans PrĂšs du cƓur sauvage l’intensitĂ© est donnĂ©e aux moments minimes, aux objets qui peuplent le quotidien, au son d’une horloge. Lispector construit une histoire dans laquelle chaque dĂ©tail d’une expĂ©rience vĂ©cue importe plus que l’évĂšnement en soi. 

C’est pourquoi ses rĂ©cits ne se rĂ©sument pas Ă  leur trame, quasi inexistante, mais Ă  la façon dont est racontĂ©e l’étrangetĂ© qui heurte la rĂ©alitĂ© des protagonistes. 

Le prof. AntĂŽnio Marcos Vieira Sanseverino parle de « l’impact des choses du monde sur la subjectivitĂ© de ses personnages ». De ces derniers, l’universitaire brĂ©silienne Suzana Amaral Ă©voque leur « mouvement d’aliĂ©nation et la recherche de la transcendance ».

Ce qui se dĂ©ploie devant nos yeux fascinĂ©s est davantage une mĂ©ditation existentielle. C’est presque une leçon de philosophie de la condition humaine Ă  partir de personnages quotidiens (des Ă©pouses, des femmes au foyer, des enfants, des jeunes
). ‱  

« elle mentait comme personne et disait la vĂ©ritĂ© comme aucun autre. Â» Juan Forn, Pagina12. AoĂ»t 2011. 

(cf. notes âŹ†ïž) Patrick Lemoine, Emission GBVF France Inter du 01/06/22

Quelques livres de Lispector :

  • La premiĂšre « PrĂšs du cƓur sauvage Â» (v. 1941) 
  • La fameuse « La passion selon G.H. Â» (1964)
  • La romance Â« Apprentissage ou le livre des plaisirs Â» (1969) 
  • La dĂ©licate « l’heure de l’étoile Â» (1977) 

>>> Liste complĂšte chez l’Ă©dition Des Femmes

Sources:

Publié par Museum Tales

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