Le dico de la rectification intello

Vous savez, ce commentaire que vous n’avez pas sollicité mais qui vient quand même vous bourdonner dans les oreilles, le voilà sous vos yeux que l’on espère ébahis. N’hésitez pas à nous soumettre votre propre réflexion de comptoir sur le français, ses drôles d’usages et ses travers.

©Gautier Alfirevic | @gautier.alfi

I • Pour la réhabilitation du con et de la connasse (mais pas du connard). 

        (À lire au féminin) 

Ma voisine est une connasse. Une connasse. Je n’avais jamais réellement utilisé ce mot auparavant… puis j’étais devenue prof de français et là je m’étais mise à réfléchir aux insultes, à leur sens et surtout, à leurs possibles traductions. Saviez-vous que les hispanophones utilisent coño ? les anglophones cunt, et les Portugais le terme de cona (— Fotze pour les Allemands, étonnamment plus proche de Fica/o qui est l’équivalent italien). Bref, voyez donc comme on se perd facilement à partir d’une connasse! 

Et, pour entrer dans le vif du sujet, j’ai finalement conclu (comme on termine une boîte de biscuits : on sait que ce ne sera pas la dernière) que la connasse est relativement féministe. Après tout, n’est-elle pas une femme qui fait et/ou dit ce qu’elle veut en fonction de ce que lui dicte sa vision de la vie (qui vaudra bien la vôtre, vous en conviendrez) ? Mais en plus de féministe, connasse, possède un pendant masculin qui n’est autre que notre mieux connu le « connard » que mes élèves adorent confondre avec le canard (et vous ne devinerez jamais le nombre d’expressions que ce pauvre animal a inspirées dans le registre imagé). Un connard est-il féministe ? Non. Puisqu’il est un homme qui fait ce qu’il veut selon la vision qu’il a du monde et, que hormis le poids de l’héritage financier, on a jamais trop interdit à un garçon de se prendre pour le roi du monde et de n’écouter que ses principes. C’était même encouragé ; pourvu que les principes coïncident avec les idées des intercesseurs du dieu de la chrétienté, manne d’or intarissable. Mais je doute que les connards soient aujourd’hui qualifiés ainsi par christianisme : ils sont juste des hommes qui s’accordent beaucoup d’importance et cela ne leur fut jamais prohibé. Ceci ne relève donc pas d’une prise de pouvoir quelconque que d’être un « connard ». Si la connasse a bien quelque chose de féministe, le connard serait en fait un mec d’une banalité assez traditionnelle. 

Le con, quant à lui, ne devrait plus s’appliquer aux types malfaisants, mais plutôt à ce qu’il est dans toute sa misère et sa splendeur : le sexe féminin. Et puisque par définition le masculin en est dépourvu, cela revient à dire platement « c’est une femme », à un homme. Il y a donc mieux comme insulte ! Et la conne, enfin, est celle qui se conduit comme si elle avait un « con » et c’est somme toute, assez cohérent alors ce n’est pas non plus l’insulte du siècle… 

En conclusion : épilez-vous le con, et séparez-vous d’un connard. N’ayez pas trop peur des connasses puisque vous aussi êtes finalement une conne (et, moi aussi !). • 

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II •  Pourquoi le « ressenti » et le « vécu » font saigner les oreilles grincheuses ? 

En 2015 entraient dans le dictionnaire Larousse le « ressenti » et le « vécu », deux mots nouveaux qui ont forcé les portes de l’Académie Française à force d’usage…

Bordel de Shit (pour citer la connasse de Camille Cotin) quel est le problème avec «partager ses impressions sur la question » ou « pourquoi votre histoire personnelle est-elle si présente dans votre discours ? » ? Non, je ne vous pose pas la question, je ne suis pas le journal intime de tout le monde, eh. Mais enfin, admettez que ces formulations sont plus sophistiquées et précises que l’usage hideux, et pourtant si répandu désormais, de « mon ressenti » et de « mon vécu ». Je ne tourbillonne pas spécialement de plaisir devant les anglicismes, mais je ne les dénigre pas non plus. Anglicisme, espagnolisme, germanisme, languedoquisme, arabisme, grequisme, latinisme… on vient bien de quelque part et s’adapter c’est survivre, non ? Alors je me fiche relativement des anglicismes qui, en plus, ne supplantent généralement pas un terme, mais en créent un nouveau, riche de son propre concept spécifique. Un « date » n’est pas une rencontre amoureuse. Ce n’est pas non plus car nous scrollons sur nos écrans, que nous ne faisons plus défiler les mannequins, que l’on ne se défile pas devant une situation ou encore, que l’on procède à un grand scroll militaire tous les 14 juillet sur les Champs-Élysées. Tout ça pour dire que je ne suis pas contre la modernisation de la langue (attendez de me lire sur l’écriture inclusive…), mais enfin si c’est pour l’amocher et la vider de sa substance tout de même… 

Le « vécu » n’est pas différent dans son concept que ce qu’une personne a vécue, de la vie, l’histoire ou même du « back-ground » (pour la version bobo). Quant à la question « qu’avez-vous ressenti ? » elle se passait très bien « du ressenti » et pouvait utiliser l’impression et le sentiment pour sortir de la routine. Pourquoi donc ne pas l’exprimer ainsi et sauvegarder une hétérogénéisation des mots, des sons, de possibilités, de la langue, du cerveau, de la conception du monde… Et si vous pensez que le terme « mon vécu » ne véhicule pas tout à fait la même chose « qu’histoire personnelle », inventez donc un mot nouveau à partir de deux anciens, ayez recours aux mots-valises, ou allez piocher dans les langues voisines… autant de façon de ne pas prendre un verbe et pif paf pouf, un petit article et te voilà un nom commun ! Franchement, il était logique en tant que verbe ce « vécu »,  mais déguisé en nom commun il a surtout l’air d’un usage de débutant (à 30 ans de français, on n’est plus du tout considéré comme débutant. À titre d’information, les enfants de 8 ans sont capables de faire des jeux de mots et ne sont, par conséquent, déjà plus des débutants !). 

Cette substantivation forcée nous mène sur la voix du mot unique pour tout ! Cultivons la variété et la richesse de notre langue et par conséquent, de notre perception du réel, plutôt que de parler comme des enfants de 7 ans ! • 

©Académie Française

On vous invite à lire aussi cet article du Figaro.

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III • Qui sont les Américains

©Delpire

Vous avez des images pêle-mêle de Trump, de frites, de baseball, de Love Actually ou Beverly Hills, et d’un type gras avec une casquette ? Vous avez un esprit un peu réducteur, voyons ! Où sont les tacos, les lamas, Mesi (le joueur de foot argentin, pas Le Mesi), le Tango et la musique brésilienne, la cordillère des Andes et les trésors incas, mayas ou aztecs, l’Amazonie et les plages des caraïbes ? Ce n’est pas votre faute toutefois si tout ça ne vous est pas venu à l’esprit au début. Si ça n’est pas « américain » dans notre imaginaire, c’est bien la faute des mots que nous utilisons et qui, aussi, peuvent être colonisés et colonialistes.

Pour nous rendre compte de l’absurdité de qualifier d’ « Américains » les seuls Étasuniens (oui c’est laid, mais c’est précis), faisons l’exercice inverse et constatons que ce serait comme si un Californien s’imaginait l’Europe avec Merkel, des saucisses de Frankfurt, Nietzsche, Hitler, une blonde en robe bavaroise servant des bières à des néonazis, et la série Netflix Dark. Où est tout le reste de l’Europe ? Dans le même tiroir colonialiste où l’on classe toutes les autres cultures du continent américain en octroyant le nom de celui-ci à un seul peuple, et même pas le plus pacifiste ou intelligent, seulement le plus riche ! 

L’Amérique en soi est un terme de colons (lui-même un terme de spoliation de la souveraineté d’autrui sur lui-même, par un principe de moralité unilatérale) : Amerigo Vespucci n’est pas représentatif des peuples originaires du continent qu’il n’a pas « découvert ». C’est comme si j’allais faire un tour au Chili (où aucun membre de ma famille n’est jamais allé) et que je disais, voilà on va désormais appelé ce lieu « la Macronie » (comme la Louisiane fut nommée d’après le roi Louis XIV). Voyez le délire mégalo ? Tout ceci n’est pas tant motivé par un souci de précision, mais par le fait que notre héritage de blanc colonisateur, qui pèse qu’on le veuille ou non, que l’on s’en fasse le payeur ou non, cesse d’être une bonne fois pour toutes ! Et que nous arrêtions, par la violence de langage de mépriser les populations natives, massacrées par haine et par méconnaissance pendant des siècles. Si nos ancêtres blancs s’étaient suffisamment excusés pour leur barbarie, les Occidentaux se seraient rendu compte de leur faute et nous, les Occidentaux d’aujourd’hui, ne serions pas en train de reproduire encore et encore aux quatre coins du monde cette même domination mégalo. En ce sens, la France est plutôt sur la bonne voie de la reddition en ce qu’elle tente de ne pas retomber dans ses travers de domination culturelle. Mais les Étasuniens quant à eux, ils ne sont pas du tout (mais alors, vraiment pas) sur la bonne voie. Ils sont plutôt sur une sacrée slippery-slope. Alors pourquoi ? J’insiste, « why ? » continuer le jeu du snob qui prend le cas particulier pour le tout et, se faisant, cultive son ignorance en plus de se perdre dans le mépris injustifié de tout le reste des habitants des Amériques. Pourquoi dénier à tous ceux-ci le statut identitaire de leur propre continent ? D’autant qu’il va sans dire que les Andins de La Paz sont plus spécifiquement « américains » que les Al Pacino, les Robert De Niro, les Steven Spielberg, les Matt Leblanc ou les Donald Trump… Si eux le sont, « Américains » alors mon voisin colombien « Alejo Obregon » est aussi un Américain et cette étiquette lui revient de bon droit. •

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Publié par Museum Tales

Cultivez-vous en toute détente !

Un avis sur « Le dico de la rectification intello »

  1. Hello ma Lou,

    Magnifique mais arrête donc un peu de penser … On croirait moi !

    Ton cerveau ne va pas se reposer et donc il va s’user 🙂

    Le mien est usé et donc j’aspire donc à ne plus rien faire et juste avoir quelques toiles à peindre.

    Bisous / Phil

    >

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