📚 vs. 🎬 ‱ Bizarre, intense, beau, simple : un livre Ă  lire et un film Ă  (peut-ĂȘtre) voir.

📚 Un livre à lire ! ( humeur sans spoilers)

📍 États-Unis, dans les annĂ©es 1950 ‱ Le roman gothique de Shirley Jackson, Ă©ditĂ© en 1962, amĂšne le lecteur dans la tĂȘte d’une jeune fille un peu particuliĂšre nommĂ©e Mary Catherine. À travers elle on parcourt une grande maison aussi splendide que terrifiante qui hĂ©bergeait les membres, dĂ©sormais disparus, d’une famille visiblement honnie des habitants de la petite ville voisine. Plongeant le lecteur dans un sombre labyrinthe nĂ©vrotique, c’est un roman court qui aborde tant la perversion, l’isolement, la peur, la nĂ©vrose ou l’obsession, autant que la jalousie et la nature des bassesses humaines. Tout ça, sans chichis et avec une esthĂ©tique simple et efficace.

Bonus: Pour ceux qui voudraient se mettre Ă  lire en version originale, le livre est trĂšs facile Ă  comprendre en Anglais !  

🎬 Le film est trĂšs bon sauf que ….. (humeur avec spoilers) 

Sans avoir la prĂ©tention d’ĂȘtre tout public, le film retranscrit fidĂšlement le livre dans toute sa singularitĂ©, tant dans l’enchaĂźnement des scĂšnes, les attributs des personnages et leur description physique, que dans les dialogues qui sont directement rĂ©utilisĂ©s. Plus que le livre, le film montre la poĂ©sie de la quotidiennetĂ© de la folie : on assiste Ă  la façon dont trois personnalitĂ©s perturbĂ©es parviennent finalement Ă  fonctionner parfaitement ensemble. Comme une horloge folle qui n’indiquerait jamais la bonne heure, mais qui aurait tout de mĂȘme sa propre rĂ©gularitĂ© et serait somme toute fonctionnelle… Jusqu’Ă  ce qu’un personnage sain d’esprit ne vienne dĂ©rĂ©gler la machinerie par sa trop grande normalitĂ© (et ses aspirations banales bien que discutables). Ceci constitue un hommage au livre remarquablement juste, modeste et bien transposé  jusqu’à la fin oĂč tout part en cacahuĂšte. Pourquoi ?

Stacie Parson (la rĂ©alisatrice du film de 2018) change la fin qu’elle rend beaucoup plus dramatique. Mais surtout, elle opĂšre un changement dans les raisons qui menĂšrent Merricat Ă  empoisonner toute sa famille, ou, mieux dit, elle donne une raison puritainement valable, tandis que le livre n’explique qu’Ă©vasivement le pourquoi du geste de Merricat puisqu’au fond, lĂ  n’est pas l’important.

Il se peut que ce soit dĂ» aux enjeux du cinĂ©ma qui voit son attractivitĂ© dĂ©multipliĂ©e proportionnellement au nombre de scĂšnes d’actions ou stupĂ©fiantes
 c’est probable.

Mais il est aussi tout Ă  fait envisageable que ce changement ait Ă  voir avec la morale puritaine des États-Unis qui ne peuvent rĂ©aliser un film avec une hĂ©roĂŻne fonciĂšrement mauvaise et qui tuerait sans motif autre que sa nĂ©vrose (Merricat a Ă©tĂ© puni par ses parents, envoyĂ©e au lit sans dĂźner, et cela dĂ©clenche sa tendance Ă  la sociopathie). Bah non ! Aux states on ne peut pas gĂ©nĂ©rer de l’empathie chez le spectateur pour un personnage un peu dĂ©rangĂ©. PremiĂšrement ce n’est pas assez sensationnel, et deuxiĂšmement, quelle morale vendrait-on lĂ  ? Pour les États-Unis, on ne peut pas tuer sans raisons apparentes ni attĂ©nuantes et ĂȘtre en mĂȘme temps le hĂ©ros gentil d’une histoire
  

Non. Il faut une bonne raison pour tuer si l’on veut rester dans le camps des gentils ! Et c’est pour cela que le scĂ©nario de Parson introduit une raison supplĂ©mentaire au meurtre commis par Merricat et son obsession pour sa sƓur : cette derniĂšre Ă©tait la victime de leur pĂšre qui l’abusait sexuellement. Ah oui, on a dĂ©sormais plus de facilitĂ©s Ă  lui pardonner d’avoir empoisonnĂ© tout le monde
  

Mais, en fin de compte, cela se retourne contre les buts de cette morale puritaine elle-mĂȘme. Inclure un pĂšre incestueux donne une lĂ©gitimitĂ© au meurtre qui devient moralement excusable selon certaines circonstances attĂ©nuantes. 

Serait-ce que le puritanisme Ă©tasunien manque de rĂ©flexion sur sa propre production, ou serait-ce que ce puritanisme fait fit du « tu ne tueras point Â» dans le cas oĂč l’assassin vengerait des torts sexuels reçus plus ou moins indirectement
 ? 

Ainsi le film donne-t-il une raison Ă  la nĂ©vrose de Merricat quand le livre ne fait que la constater. Le film justifie son comportement tandis que le livre observe la folie sans raisons, ce qui est plus poignant, plus dĂ©rangeant, plus extrĂȘme, plus rĂ©el… plus intĂ©ressant. ‱

Publié par Museum Tales

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