🎨 Alberto Greco • tragico

«  …Le peintre c’est surtout (je le répète jusqu’à l’épuisement), un homme. Un homme qui peint… » Alberto Greco, 1960.

Qui ?

Sur lui, Wikipédia est très silencieux. Rien qu’une courte page en Espagnol (aussi traduite en Anglais). Logique puisqu’Alberto est argentin et a principalement été actif en Argentine et en Espagne. On trouve aussi une rubrique en italien, pays où le peintre a également opéré (au grand dam du Vatican!) ; et rien d’autre. À titre informatif, la Poutine (ce plat canadien peu sophistiqué) cumule des articles étoffés en 36 langues différentes ! Intéressons-nous alors à cet artiste relativement incognito que les grands musées s’apprêtent à présenter à leurs publics européens.

Lisons l’étiquette : artiste plasticien et performeur, pionnier de l’avant-garde informelle en Amérique (latine et du nord), né en 1931 à Buenos Aires, et mort 34 ans plus tard seulement, à Barcelone (suicide).

1954. Alberto, qui n’a donc rien de grec sinon des origines lointaines,obtient une bourse du gouvernement français afin de rejoindre le vieux continent et son inflation artistique. Greco s’embarque pour Paris où il agitera bientôt le Quartier latin. Il vend ses dessins et peintures au Deux Magots et au Café de Flore et ne tarde pas à être repéré.

En 1955, la galerie La Roue l’expose ! Studieux, il fait ses devoirs : « Je vais à toutes les expositions […] je peins beaucoup, c’est ce que je fais le plus. Ce sont des choses abstraites et ça rend bien », écrit-il à sa tante. 

C’est en effet l’abstraction lyrique qui règne en maître(sse) à Paris dans les années d’alors et les petits formats de Greco (des gouaches sur papier, pour la plupart), se vendent facilement. 

À Paris, Greco respire aussi l’air de l’avant-garde et de la provocation. Quand il retourne à Buenos Aires, impossible de respecter les langages établis et Greco commence à prendre goût à la transgression et à la subversion. Les galeries et le joli, très peu pour lui. Entre le paysage onirique figurant des visages et le portrait à proprement parler, Greco est doué pour projeter le sujet dans le rêve de la toile. Ses tableaux ont ce pouvoir d’être à la fois doux et tourmentés.

Pour la faire courte, il repart ensuite en vadrouille autour du monde, car si Buenos Aires est bon public, il n’y trouve rien de stimulant. On le retrouve à Rome où il est expulsé par ordre du Pape ; puis, sur la route entre Madrid et le village paysan de Piedralaves, à Ibiza avec un amant chilien et, enfin, à Barcelone où il donna sa propre mort en spectacle, désireux qu’il fût de faire d’elle son œuvre la plus poignante.

Quoi ?

Quand on a dit ça, on a finalement dit très peu de Greco. D’ailleurs on a parlé de sa peinture seulement alors qu’elle devint vite secondaire pour lui. Derrière ses airs de banquier bien comme il faut, il est pourtant un artiste capable de rivaliser avec Duchamp et Joseph Beuys. Sa trajectoire offre également un résumé rapide des métamorphoses de l’art dans le 20e siècle d’après la seconde guerre mondiale, puisque Greco commença par des peintures de grand format, à la force expressive impressionnante bien qu’abstraites ou peu figuratives, pour se tourner ensuite vers une conception totalement différente de l’œuvre qui résidera désormais dans le flux de la vie, dans les actes de l’homme et dans la friction entre extraordinaire et quotidien. En effet «  Ce que nous pouvons bien peindre, ne compte plus. […] la peinture a terminé son cycle avec le tableau bleu de Yves Klein » disait-il en 1960. Découvrons-le autour de 8 œuvres : 

  1. Exposition roulante : l’art c’est les gens.

1960-1961, la Pampa argentine. Greco participe à l’initiative d’« Exposition roulante d’art argentin ». Dans une camionnette, Greco et d’autres acolytes bénévoles, parcourent la pampa argentine pour faire partager l’art argentin (il s’agit, pour beaucoup, de montrer ce qu’est l’art tout court), et encourager la création. Le camion part ensuite dans le sud de l’Argentine et Greco continue d’adorer entrer en contact avec ces populations complètement éloignées des arts des capitales occidentales, aussi bien géographiquement que conceptuellement. 

Il ne s’agit pas d’une bonne action gentillette, mais d’un réel projet en lequel Greco croit profondément. Les galeristes ne l’intéressent pas, ce qu’il préfère, et de loin, ce sont les gens qu’ils rencontrent tout au long de son road trip en terres reculées. Cela éloigne d’ailleurs Greco de l’environnement artsy de la capitale, mais on devine que ça n’est pas un problème pour l’artiste qui préfère voir l’art dans tout un chacun, dans le quotidien, dans les gens, plus que dans la réception galvanisée de ses travaux. 

Peinture issue des premiers temps de sa production (Formes, 1956)

Dans un courrier à Lila Mora, il écrit : « Nous avons été à Catriló, un petit village de la pampa rempli de poussière, il y a un hangar appelé « la confiserie », un cinéma muet et un petit centre culturel italien où nous avons exposé. J’ai été très séduit par Catriló. J’ai organisé  un concours de peinture pour les enfants (400 personnes sont venues!) […] la remise de prix a été merveilleuse (inoubliable). Je suis ravi. Il y a tout un matériel humain fabuleux… la rencontre avec l’homme à l’état pur. » 

Deux ans plus tard, Greco réitère l’expérience en Espagne, à Piedralaves, où il vécut quelques mois parmi les habitants. Avec cette « performance » qui s’étire sur tout son séjour, Greco baptisa cette petite localité castillane comme la Capitale Internationale du Gréquisme. Mais alors en quoi consista-t-elle ? 

Avec la participation des villageois volontaires, Greco réalisa des photos, des cartels écrits sobrement et surtout, son manifeste d’art Vivo-Dito. La photographe Montserrat Santa María, en vacances dans le coin lui offre l’occasion d’immortaliser son quotidien artistique avec les habitants.

 Piedralaves est pour lui un terrain foisonnant d’art vivant, l’art véritable dans sa production authentiquement quotidienne et humaine sans intervention aucune et de quiconque. 

« La réalité sans retouches ni transformations artistiques. Aujourd’hui je préfère être n’importe qui, racontant sa propre vie dans la rue ou sur un quai de gare que tous les récits techniques et bancals d’un écrivain » écrit-il dans ce manifeste long de plusieurs mètres (environ 200!) et enroulé à la manière d’un gros rouleau de papier toilette.

Écrivain, peut-être pas, mais s’écrire si ! Le manifeste regorge d’éléments personnels et intimes en plus de rendre compte de sa vision avant-gardiste des arts et de la Vie. 

« Enfin! Le paradis, je suis FELICHE (felice — heureux prononcé à l’italienne) , enfin heureux ! » […] c’est la première fois que je crie en couleur. »

« Non mais attends, aller s’agiter dans un village c’est pas de l’art » pourra-t-on dire, et c’est un point de vue qui se défend effectivement, mais l’artiste a profondément marqué la communauté de Piedralaves ; ceci à tel point qu’un festival d’art en son honneur s’y tient chaque année et que les habitants cultivent avec fierté le passage de l’Argentin qu’ils se remémorent avec beaucoup d’entrain.  

Greco a opéré une transformation, il a pris une matière (ici, le vivant) et son geste artistique l’a transformée puisqu’il y a changement d’état de la population qui a pu développer une relation spécifique et intime avec les arts modernes et contemporains. Comme s’il avait gravé d’un sceau la quotidienneté du village espagnol qui dorénavant sera fortement imprégné de lui, de sa vision des arts, des arts en général, et de la photographie qui permet aux plus jeunes de voir la vie de leurs grands-parents. 

Pour Greco la vie est art et les changements issus des interactions entre humains sont art. Nous sommes donc tous des artistes en puissance. Greco parle donc juste de la vie et de notre pouvoir artistique à tous… 

  1. Las Monjas. Pas assez informel …

Buenos Aires, 1961. Une galerie inaugure l’expo de Greco intitulée Les Moniales (‘Las Monjas’) composée de peintures « informelistas » (d’art informel) et d’autoportraits de grand format montrant Greco vêtu de l’habit de nonne et singeant leur dévotion. Au centre de la salle d’exposition, on trouvait alors la « nonne assassine », un vêtement religieux sale et recouvert de peinture, cloué à un cadre en bois au format paysage.

Mais pour certains des membres du groupe Informel de Buenos Aires, cette exposition n’est pas assez « informelle » puisque les œuvres figurent bien quelque chose. Pour Greco en revanche, de telles considérations (figuration, pas de figuration, non-figuration…) n’étaient déjà plus un thème à explorer dans l’art.

  1. VIVO DITO : signaler et résister. 

Paris, 1961. Une craie à la main, Greco déambule dans Paris et quand l’envie lui prend, le voilà qui trace un cercle au sol, entourant l’individu sélectionné (plus ou moins au hasard), et voilà la personne signalée par l’artiste. Cette « action » (au sens de la performance actuelle) Greco l’appelle « signalement ».  

L’idée selon laquelle c’est l’artiste qui décide de ce qui est art et non l’objet qui posséderait des caractéristiques artistiques intrinsèques (notamment développée au début du XXe par Duchamp puis les premiers dadaïstes) est fondamentale pour Greco qui pense que « l’artiste nous apprend à voir, non pas avec le tableau, mais avec le doigt. » Avec sa craie, il signale ce qui est art ou non. Plus qu’une provocation arrogante envers les ennemis (encore nombreux) de l’art conceptuel, il s’agit ici de lutter contre le système de l’art contemporain qui est dès alors avare et capricieux, arbitraire et mercantile. Si l’artiste décide de ce qui est art, et s’il suffit de signaler le vivant ou d’aller dans un village pour sublimer la matière humaine, alors la galerie et le marché de l’art n’ont plus qu’un rôle très dérisoire. 

L’art conceptuel sert avant tout à Greco à faire sortir l’art des lieux privilégiés et élitistes qui tentent de le contrôler. Le vivant ne s’enferme pas dans une galerie et les galeristes ne peuvent contredire ce que l’artiste dit être art ou non.  

Il est intéressant de rappeler ceci aux détracteurs de l’art contemporain qui voient souvent dans le concept un moyen facile et malhonnête de se faire artiste. Le concept permet aussi de sortir l’art des mains de ceux qui se le réservent jalousement, et de le faire descendre dans la rue, à la portée de tous. 

« L’artiste indique comment voir d’une autre façon ce qui se passe dans la rue. L’art vivant cherche l’objet, mais une fois l’objet trouvé, il le laisse à sa place, il ne le transforme pas, ne l’améliore pas, ne l’apportera pas dans une galerie d’art. L’art vivant réside en la contemplation et la communication directe. Nous devons entrer en contact directement avec les éléments de notre réalité. Le mouvement, le temps, les gens, les conversations, les odeurs et les rumeurs, les endroits et les situations.» Manifiesto Dito dell´Arte Vivo (1962)

Greco refuse l’intervention, mais c’est pourtant par l’interférence artistique qu’il transforme la matière humaine en l’imprégnant d’un peu de lui-même, comme à Piedralaves. 

La sublimation, si elle est à la portée de tous et doit partir du vivant, du quotidien, opère bien un changement d’état et en ce sens, Greco désire quelque chose de trop pur, de trop impossible finalement. Un art sans interaction est impossible, le simple signalement de ce qui doit être (mieux) regardé, consiste en une transformation (du regard, de la rue). 

  1. Trente souris. Le vivant, toujours le vivant …. 

Février 1962, Galerie Creuze-Messine, Paris. En guise de participation à l’expo « 30 Argentins de la nouvelle génération », Greco propose son œuvre « 30 souris de la nouvelle génération ». Le titre est littéral, voici dans une petite cage 30 rats vivants leur vie, mangeant, copulant, jouant, déféquant… devant le regard peu amusé des galeristes qui ordonnèrent à Greco de récupérer son « œuvre » à peine 24 heures plus tard. L’odeur dérangeait, dit-on. Greco dira que c’est le vivant qui dérange l’art, et ajoutons que, puisque le vivant ne se vend pas, les galeries ne peuvent rien en faire, ça ne les intéresse donc pas. Quelle serait l’attitude d’une galerie parisienne de Saint-Germain si elle recevait une telle œuvre aujourd’hui ? 

Nota. L’exposition du musée d’art moderne de Buenos Aires relève un défi de taille avec cette œuvre qu’il fut choisit d’exposer aussi, mais sans les petits rongeurs vivants … Un dispositif de jeux d’ombres projette des silhouettes de souris sur le mur. C’est un choix scénographique intéressant, plus vivant qu’un cartel descriptif ou une photo.

  1. Cristo 63.

« Le vrai Judas ce fut le public, qui n’a pas voulu monter sur la scène » 

Teatro Laboratorio, Rome, 1963. « Cristo ’63, hommage à James Joyce » se place à mi-chemin entre la performance et l’œuvre de théâtre, mais tend plus à l’improvisation qu’à la scénarisation complète. Son auteur est Carmelo Bene, ami de Greco. Le premier porte la paternité de la production tandis que le second se charge de la direction artistique. 

Chaque acteur interprète un apôtre tandis que Carmelo Bene joue le christ. Ils furent sommés de venir sur les lieux, déguisés comme ils le souhaitaient du moment que ça entrait dans le thème « chemin de croix et crucifixion ». Le script ne fut pas tout à fait suivi à la lettre et on dit que des insultes (et des morceaux de nourriture) commencèrent à fuser entre les participants et le public, les participants eux-mêmes et le public lui-même. Hernani rejoué à l’italienne. Au milieu de la confusion, Greco accompagna Carmelo-Jésus prêt à monter sur la croix de lui-même puisque personne ne venait l’exécuter : Greco est nu et termine avec un clou dans le pied, de son fait.

La police intervint évidemment pour arrêter le spectacle. Greco dira plus tard : « le scandale fut tel que j’ai dû quitter l’Italie sous 48 heures. Juste après la représentation, ils me firent enfiler une camisole et m’internèrent dans un hôpital tenu par des bonnes sœurs qui me détestèrent. J’ai réussi à m’échapper en passant par une fenêtre, aidé par le directeur de la compagnie. » Sur la représentation en elle-même, il dit surtout « Le vrai Judas ce fut le public, qui n’a pas voulu monter sur la scène. » 

L’œuvre tient de ce que l’on nomme alors un happening, connu en Allemagne comme Aktion avec le groupe Fluxus pour porte-étendard, et que l’on qualifie plus généralement aujourd’hui de « performance » ; avec cette différence que les improvisations actuelles sont plus réglées, moins provocantes en règle générale, et souvent plus esthétisées. Les happening d’alors, comme Cristo 63’ ou les Aktion de Fluxus sont plus fortement corrélés à l’absurde, au grotesque et à l’interaction avec la stupeur du public. 

Quant à Alberto Greco il appelait ceci des « spectacles Vivo-Dito » et dans son Grand Rouleau Manifeste, il plaide pour la participation du public à l’œuvre. Car si le public ne participe pas alors rien ne se produit, rien n’est transmis, rien n’est réellement susceptible de faire changer quoi que ce soit. Greco est un enchanteur qui appelle le monde à le suivre dans la transgression. C’est d’ailleurs pour cela que Greco aurait préféré faire Cristo 63’ en place publique « avec toute l’aventure du réel ».

6. Tombola. Central Station, New York, 1965. Greco réunit des œuvres d’artistes comme Christo, Alan Kaprow ou Man Ray et les place dans des casiers de la gare Centrale de N.Y., fermés par des cadenas dont il vendit les clefs via une grande tombola. Il y eut de véritables gagnants. L’art n’a pas à être sacré.

En parallèle de ces coups forts, Greco ne délaisse pas la peinture et, à l’image de ses collages, c’est le chaos et la friction des matières, des couleurs qui sont les protagonistes principaux.

Assassinat de J.F Kennedy, 1964.
  1. Besos Brujos

Été 1965. Greco écrit et illustre un journal pas-si-intime durant sa romance mouvementée à Ibiza. L’Argentine, son pays d’origine, est présente par le nombre important de tango parmi les textes que le carnet juxtapose à des dessins, des collages, des extraits de courriers des lecteurs, des recettes de cuisine et des poèmes. Les 147 feuillets, qui constituent un genre en eux-mêmes furent achetés par le MoMA de New York, en 2018. Besos Brujos pourrait être rapproché des peintures sérielles que les Situationnistes français pratiquent alors.  

Besos Brujos ©Museo Reina Sofia

Si l’on s’attache davantage à la forme, Besos Brujos permet de relier un autre trait spécifique à l’art de Greco : l’importance de l’écriture dans sa production. 

Une fois encore Greco brouille les limites entre ce qui est intime et ce qui est public, et rapproche l’art du personnel le plus secret. Il donne une dimension émotive aux mouvements occidentaux qui tendent à faire fusionner l’art et la vie. Beuys fait se confondre le mythe et la réalité, le symbole et l’essentiel ; Fluxus amène la quotidienneté et la banalité dans le nid de l’extraordinaire que créer l’art ; les Guérillas Girls qui unissent le politique au quotidien dans un mouvement de sublimation réfléchi et esthétique fait art… L’art c’est la vie, dit-on alors, et Greco produit et expose son intériorité à son public, sa vie émotionnelle, sentimentale. Son hygiène psychologique est ainsi « tournée en art ».

Il y a bien des œuvres peintes, sans mot ni même une lettre (ni même de titre) et bien qu’elles soient belles, elles restent secondaires. Car c’est le mot qui obsède Greco que l’exposition rétrospective à Buenos Aires avait représenté par le panneau publicitaire « que grande sos ! » (que tu es grand! »), une des premières œuvres de l’artiste qui fit recouvrir des murs publicitaires de cette même affiche 50 ans plus tôt. Et quand il réalise des collages, il y a quasiment toujours des lettres découpées. 

D’ailleurs Besos Brujos vient après le Grand Rouleau Manifeste de l’art Vivo-Dito qui porte en lui sa biographie (sélective) et son entendement des arts et de leurs raisons. Greco ne manque pas une opportunité de s’exprimer par les mots, seulement il ne les ordonne pas en une histoire (pour en faire un livre ou un script) ni même en un livre lisse et beau ; il semble avoir préféré le support sale, le support qui transpire le vivant, le support tâché de café, de sang, de suie, qui accompagne la vie … 

  1. FIN : l’écriture, son alliée jusqu’à la fin. Le suicide comme performance ultime et ultime performance.  

Au moment de la rédaction de l’article, je me demandais si je devais faire fusionner «besos brujos » et « fin », ou non. Les deux sont liés par une chronologie très rapprochée, et un lien de causalité entre la rupture amoureuse et le suicide peut être établi. Mais l’établir réduirait justement la portée plus complète, plus tragique et plus follement artistique de cette « fin » par le suicide » qui n’est pas exclusivement liée au coeur en pièce de Greco.

La raison (En plus de créer une hyperœuvre?) serait la suivante : deux mois après un voyage idyllique à Ibiza, Greco fouille dans le journal de son amant.  Il semble y avoir trouvé des choses déplaisantes au point de vouloir se zigouiller.

Mais en réalité, déjà « bien des années auparavant, Greco avait affirmé que son œuvre suprême serait son suicide » (Rabossi, 2007). Ce désamour ne serait donc qu’une étincelle embrasant un esprit déjà échauffé, déjà éreinté, déjà excommunié (et interdit de séjour) par d’autres affres que les seules peines de coeur. 

Barcelone, 1965. Claudio Badal trouve Greco, les bras en croix, vêtue d’une culotte rouge taille haute — type slip antique — et avec écrit, sur chaque main, le mot « fin ». À côté du lit figure, une note disant « ceci est ma meilleure œuvre ».

« Je crois en la peinture, en l’autre peinture, en la peinture vitale, en la peinture-cri, dans la peinture comme une grande aventure de laquelle on peut sortir les pieds devant ou blessé, mais jamais intacte », avait-il dit quelques années auparavant. Cohérent. 

traduction ©museumtales 2022.
A. Greco, poème extrait de Besos Brujos.

Le mot de la fin. La carrière artistique d’Alberto Greco ne dura que 5 ans puisque l’ensemble de ces créations, peintures exclues, sont circonscrites entre 1960 et 1965 ! C’est assez pour que l’Argentine lui rende hommage, que le MoMA se procure ses rouleaux pour quelques 400.000 dollars et que le musée madrilène de la Reina Sofia envisage de recevoir sa retrospective très bientôt. Aussi des figures de premier rang tel que l’écrivain, penseur et cinéaste Pasolini, le citèrent à plusieurs reprise. D’autres artistes, plus prolifiques, ne connurent pas une telle fortune critique (cf. ces peintres oublié(e)s). Il reste d’ailleurs beaucoup à dire sur Greco, nous n’avons par exemple pas evoqué son goût presque obsessionnel pour sa marque. Vous êtes-vous aperçu de la récurrence de l’apparition de son nom « GRECO », qu’Alberto rajoute un peu partout à la manière des premiers graffeurs qui décoraient les murs de leur signature, de leur nom, de leur identité… ?

Alberto Greco signalant. Paris, 1962.

Sources

Publié par Museum Tales

Cultivez-vous en toute détente !

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

%d blogueurs aiment cette page :