Oui, oui, Bullet Train, ce nouveau film de Brad Pitt, avec Bad Bunny.

đ LIVRE.
Lâun est un thriller savamment ficelĂ© qui nous plonge dans les mentalitĂ©s dâoutsiders de la sociĂ©tĂ© japonaise contemporaine ; chassĂ©-croisĂ© de tueurs Ă gage, mafieux, mystĂ©rieux entremetteurs, chasseurs de tĂȘtes et psychopathes, dans un train qui sâapprĂȘte Ă desservir les intĂ©rĂȘts de tous. On y parle beaucoup, mais bien. Câest parfois brillant, parfois un peu facile, mais on ne sâennuie pas si lâon aime les bons dialoguesâŠ
Il nây a pas de hĂ©ros, mais plutĂŽt des hĂ©ros, car chaque personnage est Ă la fois bon et mauvais, et il serait difficile de les ranger selon le manichĂ©isme Ă lâoccidentale (le bien, le mal, le bon, le juste, le terrible et le pĂȘcher ⊠).
đŹ FILM.
Lâautre est un film des Ătats-Unis rĂ©unissant plusieurs tĂȘtes dâaffiche flamboyantes, dont une icĂŽne (Brad Pitt) et une curiositĂ© (Bad Bunny, star du reggaeton), un budget sans limites, et la volontĂ© de vendre, sinon des billets et du pop-corn, bel et bien une part du gĂąteau Ă©tasunien, une part du Dream quâils cultivent en masse et vaporisent sur absolument tout.

Il est donc impensable qu’il n’y ait pas de hĂ©ros dans cette version Ă l’eau hollywoodienne. Et pour changer ce sera… un homme blanc (interprĂ©tĂ© par M. Pitt). Le choix fut donc fait de gonfler la trame dâun personnage pour que le reste se mette Ă tourner autour de lui (littĂ©ralement). C’est l’une des principales diffĂ©rences avec le livre, plus subtile, qui construit un personnage timide et effacĂ©, alors que Brad Pitt est un fanfaron fluorescent.
On a donc affaire Ă un livre proprement japonais, qui nâemprunte pas complĂštement les cannons de la narration hollywoodienne et prĂ©sente un bon exemple de ce que lâon peut faire de bien en dehors du modĂšle qui rapporte⊠Le tout rĂ©cupĂ©rĂ© par ce modĂšle qui rapporte et qui le compresse dans sa machine Ă consommation. Comme quand le musĂ©e rĂ©cupĂšre le Street-Art ou quâun orchestre country reprend Tupac.
En bref, câest comme envisager des paste al ragĂș de Bologne et terminer par chauffer une Pasta Box.
Mais aprĂšs tout, une Pasta box une fois de temps en temps, câest concevable. Mais Bullet Train nâest mĂȘme pas une Pasta-Box, enfin, ça se tient jusquâaux deux tiers du film : la trame est dĂ©jĂ largement modifiĂ©e, mais câest un choix assumĂ© qui peut ĂȘtre justifiĂ©e, alors on laisse passer et on le voit comme une « interprĂ©tation yankee de la chose ».
Puis se referme le burger ! Le dernier tiers est une invention ex-nihilo et qui poursuit ce que le livre a la sagesse de laisser en gare.
En effet, dans la version cinĂ©matographique, le train ne se contente pas du terminus. Il continue jusquâĂ lâexplosion du Grand Spectacle Yankee, ici, une explosion Ă©norme ; celle du train qui finit, on ne sait plus comment par sâĂ©craser contre un mur avec force et fracas. En fin de cuisson, le scĂ©nario qui sent dĂ©jĂ le roussi, est saupoudrĂ© des Ă©pices californiennes : des gens beaux et riches Ă la peau douce et brillante, qui volent entre des dĂ©bris et sauvent le monde, des prises de risques grandioses, toile de fond aux actes hĂ©roĂŻque des hĂ©ros, des phrases Ă©mouvantes pour larguer la larmichette qui fait du bien et donne une raison supplĂ©mentaire pour terminer ces foutus pop-corn⊠tout, tout y est, passĂ© au Moulinex.
Et câest lĂ que le film acquiert un goĂ»t un petit peu Ă©cĆurant. Tu veux que tout sâarrĂȘte, mais comme ta grand-mĂšre, ils tâen rajoutent une petite louche â la petite derniĂšre â et tu acceptes, et tu manges.

Toutefois, le plus frustrant nâest pas cette affreuse fin. Le livre japonais nâa pas de grand vilain (ou plutĂŽt, ça nâest pas ce que lâon croit). Non, ça nâest pas lĂ que nous mĂšne la trame du roman, lĂ n’est pas l’important. Et dans tous les cas, la nationalitĂ© de lâantagonisme demeure japonaise. Lâennemi rĂ©el reste la sociĂ©tĂ© plus qu’un individu spĂ©cifique. En revanche, dans le film Ă©tasunien, un mĂ©chant est bien prĂ©sent qui doit Ă©videmment rivaliser avec Brad. Alors, cherchons dans les rapports gĂ©opolitiques actuels qui les Ătats-Unis combattent -ils ? Ăa aurait pu ĂȘtre l’islamisme, mais c’est l’autre : charismatique et sanguinaire, il est russe, Ă©videmment.
Enfin, le fĂ©minisme sâest-il, avec la vraisemblance, perdu sur le chemin du studio. un personnage originellement masculin est transformĂ© en femme dans le film, certes. Cela ne ravi que ceux qui parlent de reprĂ©sentation et n’empĂȘche pas l’absence complĂšte de fĂ©minisme : aucune femme ne parle avec une autre dâautre chose que dâun homme (prĂ©-requis du fameux test sur la question). Et pire que ça, les rĂ©alisateurs sont tombĂ©s dans le piĂšge de la grossiĂšretĂ© en transformant un personnage originellement trĂšs jeune et masculin (pas totalement virile, en somme) en une femme sexualisĂ©e, habillĂ©e entiĂšrement de rose et de pompons, presque stupide. Au lieu dâun pervers manipulateur, on se retrouve avec son fantasme : une gosse de riche tombĂ©e dans les paillettes Ă©tant petite. On n’y voit donc aucun progressisme rĂ©el, mais plutĂŽt des quotas bien respectĂ©s. Câest triste.

Triste mais ça marche… Alors que les spectateurs se disaient lassĂ©s par les formules galvaudĂ©es du systĂšme Ă©tasunien au sortir de Jurrassic World , Bullet Train reçoit pourtant la jolie note de 7,5/10 au sein de la bible populaire du cinĂ©ma, le site IMDB ; tandis que de trĂšs bons films tels que Horsegirl ou The Dead don’t Die, n’Ă©copĂšrent mĂȘme pas d’un 6/10…
BONUS : Si vous vous dĂ©brouillez en Anglais et que vous manquer d’occasion de perfectionner la langue, vous pouvez lire la version en Anglais, premiĂšre langue traduite depuis le Japonais ; traduction de laquelle dĂ©coulent toutes les autres traductions (française, espagnole, etc.) ! La langue est simple et efficace, facile Ă comprendre.
Tout les changements en détails (Anglais) > ICI

Mais je suis tellement d’accord avec votre article ! J’ai vu le film aprĂšs avoir lu le livre et j’ai bien cru qu’il ne s’agissait pas de la mĂȘme histoire… L’americanisation Ă outrance du film dessert complĂštement l’intrigue, quant Ă la fin c’est tellement grotesque que ça se passe de commentaires.
Lisez le livre !
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