Antifigura. CĂ©sar Aira no circula por el « mundillo » literario pero los escritores lo aclaman. Foto Archivo Clarin.com
DrĂŽle, Ă©trange, et imaginatif, il est le spĂ©cialiste de la « non fin »
« Peu connu en France, CĂ©sar Aira est considĂ©rĂ© comme un grand nom de la littĂ©rature latino-amĂ©ricaine contemporaine, auteur dâune centaine d’ouvrages, gĂ©nĂ©ralement de courts ou trĂšs courts romans. »(Enseigne briĂšvement WikipĂ©dia) Moi, en effet, câĂ©tait la premiĂšre fois que jâentendais parler de lui et aprĂšs avoir « demandĂ© » Ă France Culture et Ă Youtube je me suis bien rendue compte qu’en France, j’Ă©tais loin d’ĂȘtre la seule.
« Le plus difficile câest Ă©crire, pas Ă©crire bien. Dans les ateliers littĂ©raires, on peut apprendre Ă Ă©crire bien, mais pas Ă Ă©crire. Pour bien Ă©crire, il y a des recettes, des conseils utiles, un apprentissage. Ăcrire, au contraire, est un choix de vie, qui se rĂ©alise Ă lâaide de tous les aspects de la vie. » â CĂ©sar Aira
Lâauteur argentin (nĂ© en 1949) a clairement choisi de dĂ©dier sa vie Ă lâĂ©criture puisquâon compte plus de 120 Ćuvres Ă son actif, depuis la premiĂšre en 1975. Ces rĂ©cits se situent entre la nouvelle et le roman, plus de 100 pages, moins de 200 en gĂ©nĂ©ral. MĂȘme si une bonne part en font moins de 40 !

Ces « comtes de fĂ©es dadaĂŻstes » ou « jeux littĂ©raires pour adultes » Ă©tant courts, il lui est permis dâĂȘtre particuliĂšrement prolixe.
Mais une telle production sâexplique surtout par le fait que câest de la rĂ©daction que CĂ©sar Aira se nourrit rĂ©ellement. Le livre publiĂ© nâest pas la finalitĂ© premiĂšre (ça rapporte tout de mĂȘme!), câest davantage le processus de rĂ©daction qui constitue le cĆur de son « acte artistique ». Cela explique notamment pourquoi ces fins sont si terribles pour la santĂ© mentale dâun lecteur trop assidu. La fin nâest pas le but, les pages qui y mĂšnent, si.
ATTENTION, chercheur de fin sâabstenir !
CĂ©sar Aira est effectivement adepte de la « non-fin », de cette page que vous croyez ĂȘtre lâavant-derniĂšre, ou lâavant-avant-derniĂšre, mais qui pourtant sonne un glas sourd et sec, aussi abrupt que ce final sans issue et sans indication. Si toutefois vous ĂȘtes de ceux qui, au contraire, adorent dĂ©jouer lâauteur en dĂ©cidant de la fin qui leur convient, quitte Ă réécrire le dernier chapitre, alors vous avez trouvĂ© votre nouvel auteur fĂ©tiche ; et vos histoires Ă fins ouvertes.

On parle de fin, mais qu’en est-il de ses titres saugrenus ? Le cerveau musical, la Guerre des gymnases, Comment je me suis fait none, Chant CastrĂ© …

« Le narrateur, qui est-il ? » vous demandait votre professeur de Français au collĂšge, « alors, omniscient ou extĂ©rieur ? » Avec CĂ©sar Aira, le narrateur câest lui, sans ĂȘtre lui-mĂȘme. Câest un homme qui esquisse les quartiers qui marquĂšrent sa vie et Ă©bauche des personnages quâil a sans doute rencontrĂ©s, tout comme nous qui sans connaĂźtre le pueblo de Pringles, imaginons facilement lâun village de la campagne que lâon connaĂźt. Câest lui qui parle, mais pas de lui.
Dâailleurs ce ne semble pas ĂȘtre la popularitĂ© quâil recherche puisquâil entretient trĂšs peu de rapport avec la presse et les mĂ©dias â il serait peut-ĂȘtre temps de sây atteler afin de se faire connaĂźtre auprĂšs des EuropĂ©ens⊠ou peut-ĂȘtre que non, tout comptes faits.
Ce qui m’a plut le plus chez lui c’est la capacitĂ© d’invention, l’exposĂ© clair, et la capacitĂ© narrative que possĂšdent ses nouvelles [desquelles] il me reste toujours quelque chose.
DamiĂĄn RĂos pour InfoBae
Il est dĂ©jĂ considĂ©rĂ©, par les littĂ©rateurs sud-amĂ©ricains, comme lâun des Ă©crivains fondamentaux en AmĂ©rique latine et demeure chaque annĂ©e pressenti pour lâobtention du prix Nobel de la littĂ©rature.
Plusieurs prix lui furent tout de mĂȘme dĂ©cernĂ©s tels que Prix Roger-Caillois en 2014, le Prix iberoamericano de Narration Manuel Rojas en 2016, et enfin, le Prix Formentor en 2021. Puis, il fut finaliste du Man Booker International Prize et du Neustadt International Prize for Literature.
Cette littĂ©rature serait impensable sans le background qu’il transforme […]
DamiĂĄn Tabarovksy pour InfoBae

Mais Ă quand le Nobel ?
Forte dâune tradition littĂ©raire solide, lâArgentine a dĂ©jĂ quelques Ă©crivains au palmarĂšs des inoubliables (Borges, Cortazar, Sabato, OcampoâŠ). De plus, elle ne se trouve pas sur la liste des pays Ă©mergents que les Occidentaux se doivent dâhonorer pour leur joli courage et leurs patients efforts Ă les rejoindre dans la cour des grands Ă l’image du Venezuela, de la Croatie, de Cuba ou de lâAlgĂ©rie. Les prix servent à ça. Et lâArgentine ne nous sert pas pour l’instant.
LâĂ©crivain mexicain Juan Pablo Villalobos a toujours soutenu Aira Ă propos de cette « lĂ©odicaprionade Ă lâoscar » dont il est atteint :
« CĂ©sar Aira le mĂ©ritait, car il reprĂ©sente une autre idĂ©e de la littĂ©rature latino-amĂ©ricaine, alternative au boom, un dĂ©passement de lâexotisme et du folkloriste, du roman politico et social, une revendication de lâart pour lâart et de lâimagination dĂ©bridĂ©e. »
Et, rappelons-le, il a fini par lâavoir cet oscar, LĂ©o !

Mais quâest-ce qui rend lâĂ©criture dâAira si spĂ©ciale ?
Ce quâil appelle la « fuite en avant » y serait-elle pour quelque chose ? Aira bouscule les codes en improvisant ses rĂ©cits. Il brode avec maĂźtrise et crĂ©ativitĂ© autour du coeur que l’on ne pourra plus identifier avec certitude ensuite. Quel Ă©tait lâĂ©picentre ? Ă partir de quoi ce rĂ©cit a-t-il construit ses petites racines ? On ne sait jamais trop, mais lui continue « [Ă donner] du sens Ă ce qui nâen avait pas, Ă force dâavancer et de continuer [Ă Ă©crire]. » (C. A. dans son essai Cumpleaños)
Les paradigmes prĂ©existants ne lâintĂ©ressent pas, il faut crĂ©er et voir si ça passe ou non, et câest bien tout. La bonne qualitĂ© ne doit pas dĂ©pendre dâune recette qui a dĂ©jĂ trop fait ses preuves. Et câest pour cela quâil fait bon lire Aira : on sort des sentiers battus et de ce que lâon a dĂ©jĂ 100 fois lu.
CĂ©sar Aira tĂ©moigne de l’un de ces courants nouveaux que le futur saura voir plus clairement que le prĂ©sent, et qui marquent une vraie Ă©volution entre ce qui a Ă©tĂ© fait et ce qui sera fait. Le rĂ©alisme magique, lâabsurde et le poĂ©tique dont les rĂ©cits « airatiques » font preuve, sont loin des Ă©popĂ©es urbaines et des aventures grotesques qui se vendent en masse dans les Fnacs.Â


Il compose sobrement une esthĂ©tique qui se joue des genres et des codes littĂ©raires, une Ă©criture pour lâĂ©criture, parfois proche de lâimprovisation ou de lâĂ©criture automatique des surrĂ©alistes et des dadaĂŻstes.
Il casse donc des codes, brouille les narrations : qui parle, et quand ? De quoi ? Dâun rĂȘve ? Mais tout ça est simple (pas simpliste!) ; simplement et noblement emballĂ© dans une langue qui ne se la joue pas (pas comme celle-lĂ ).
Bref, CĂ©sar Aira câest du jeu dans les mots et des libertĂ©s prises avec ce que vous avez toujours pris pour le cadre indĂ©lĂ©bile du roman.

Bonus : Journaliste, reporter, Ă©diteur, et traducteur, il est aussi fin connaisseur de la poĂ©sieâŠfrançaise, puisquâil donne des cours Ă la fameuse UniversitĂ© de Buenos Aires sur Arthur Rimbaud et StĂ©phan MallarmĂ©.
Pour une liste de ces livres traduits en français > ICI
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« CĂ©sar Aira : spĂ©cialiste de la non-fin », aoĂ»t 2022, MuseumTales, L. DESANCE.
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Sources
- « Quién es César Aira, el argentino mås veces nominado al Nobel de Literatura » https://entrelineas.cadena3.com/
- https://fr.wikipedia.org/wiki/César_Aira
- https://www.clarin.com/cultura/cesar-aira-fragmentos-escritor-argentino-premiado-europa_0_bnxsFjlwv.html
- https://www.mondoescrito.com/tag/cesar-aira/
- https://www.infobae.com/grandes-libros/2021/04/24/es-cesar-aira-el-escritor-mas-relevante-de-la-literatura-contemporanea/
- https://www.latercera.com/culto/2018/08/23/cesar-aira-prins-literatura-argentina/
TrĂšs bel article instructif.
Bisous ma Lou / Phil
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