Le Yin et le Yang, un symbole machiste ?

Avant de le choisir pour tatouage, prenez garde ! Ceci n’est pas un joli cercle chinois présentant « le bien et le mal dans le monde » ou « les énergies complémentaires nécessaires à toutes choses », mais bien la domination de votre voisin masculin de métro sur vous mesdames.

Commençons par le commencement : le signe du Yin et du Yang, ou tàijítú, est le symbole emblématique du Taoïsme. Le taoïsme se fonde sur trois textes principaux, dont le Dao de Jing de Lao Tseu. 

Avec le confucianisme et le bouddhisme, le courant taoïste est fondateur de la pensée chinoise. Il se base sur l’élan originel donnant vie à tout, appelé « Tao ». De la volonté de schématiser efficacement et rapidement le Tao (ou Dao), naquit le cercle bichrome bien connu. Ou presque : notons d’ores et déjà que l’origina ne comprend pas de pastilles secondaires à l’intérieur de chacune des deux parties. 

Ce symbole est ensuite codifié par l’école (nommée « yinyangjia ») de Zou Yan (-305, -240). Par un extrémisme plus poussé ou par la simple nécessité de fluidifier l’enseignement, Zou Yan renforce l’aspect binaire de la signification du symbole. Le Yang (noir) serait comme l’adret d’une montagne (face sud, ensoleillée) et le Yin (blanc) serait l’ubac de cette même montagne (face nord, ombragée). Les deux aspects étant simplement, sans qu’un jugement de valeur ou de corrélation d’énergie leur soient adjoints.  En effet, il s’agirait avant tout, notamment par le biais de la forme circulaire, de mettre en évidence les dynamiques naturelles de la naissance et de la renaissance des choses, issues de la liaison, dans et par le Tao, d’un principe quelconque opposé à un autre. 

Ça se corsent pour les femmes : les manuscrits de Mawangdui (-168), quant à eux, y ajoutèrent des notions plus directement binaires, plus spécifiquement opposées et figées, plus définies et codifiées et aussi… plus machistes. Il s’agissait de savoir quel principe (non plus quelconque) à quel autre opposer, et de définir plus spécifiquement « la liaison » qu’ils entretiennent. Vous me suivez toujours ?  

Ce n’est plus la liaison nécessaire dans le temps et l’espace, à un moment donné de deux principes opposés, mais l’alliance éternelle de deux énergies contraires, entrant ainsi en tensions. Et qu’est-ce que ça donne de machiste ça, me dites-vous ? Et bien voici la suite :

« Lorsque la décomposition binaire est appliquée […] elle associe métaphoriquement le yang au dominant (ou au positif) et le yin au dominé (ou au négatif). Dans cette liste, les paires ministre/suzerain, homme/femme, père/fils, aîné/cadet, supérieur/inférieur illustre [notamment] un système hiérarchique confucianiste très rigide, définissant la morale qui régente les relations hiérarchiques dans la société. L’ordre social est maintenu si chacun accomplit la fonction liée à son rang avec droiture et sincérité : le supérieur yang peut exercer sa domination sur l’inférieur yin dans la mesure où il assure avec respect sa protection et où l’inférieur manifeste sa loyauté. » 

Autrement dit : « L’ordre social est maintenu si chacun accomplit la fonction liée à son rang avec droiture et sincérité : l’homme (yang) peut exercer sa domination sur la femme (yin) dans la mesure où il assure avec respect sa protection et où la femme, inférieure, manifeste sa loyauté. »

Selon cette même liste basée sur les valeurs de la société chinoise antique la femme côtoie la misère, l’automne et l’hiver, l’inférieur, le fils, le cadet, le deuil, l’élève, le silence et l’acte de recevoir, ou encore un pays faible, une contrée désargentée, le passif, le vide, la nuit, le sombre, le froid … tout ce qui fait bien plaisir, en somme !

© Instagram / vivi_blackcat

Cette liste, où le yin est associé au faible, au soumis, et le yang au puissant, au dominant, suit les codes sociaux du temps d’émergence du taoïsme. Le sexisme du symbole du Dao (ou Tao) est donc le symptôme d’une société fortement patriarcale, plus qu’il n’est l’initiateur d’une pensée proprement machiste. Mais il n’en reste pas moins foncièrement sexiste et véhicule une valorisation (très) pauvre de la Femme. 

Il y a bien sûr une quantité faramineuse d’autres concepts venant enrichir ce symbole fondateur de composantes médicinales, culturelles, sociales, ésotériques et même sexuelles. Toutefois, notons bien qu’aucun des aspects non déployés dans cet article n’entre en contradiction avec le principe de domination patriarcale mis ici en avant. 

Les autres valeurs lui étant adjointes au cours des siècles abordent surtout l’équilibre et l’ordre du monde maintenu par la domination de l’un par l’autre et son corpus est agrémenté de conseils sur les comportements à observer pour maintenir cet équilibre bénéfique. 

Les écrits sur la question sont nombreux et étoffés ; il suffit peut-être d’éviter les livres de développement personnel qui auront une forte tendance à romancer le signe encore davantage, gommant ainsi l’aspect de tensions d’un positif, clair et fort (d’un homme), sur un négatif, un faible (une femme). 

Hunab Ku des mayas : le Yin-Yang véritable ? 

Si vous êtes à la recherche d’un signe symbolisant la complémentarité de deux forces opposées œuvrant au bien-être, tournez-vous plutôt vers le Hunab Ku maya. Ses origines et sa signification sont encore fortement débattues. Il serait l’image d’un tout suprême régnant en maître, et seul, sur toutes les autres divinités. Il serait une déification quasi monothéiste de l’Univers en tant que tel, son nom voulant dire « le dieu unique ». Cas étonnant puisque les Mayas, leurs cousins germains et éloignés, ancêtres, et descendants, tous, étaient foncièrement polythéistes. 

Certains universitaires avancent que Hunab Ku serait une invention pure et simple des missionnaires chrétiens afin d’« habituer » les Mayas à vénérer un dieu unique. Ce serait ainsi là le Dieu de la Bible déguisé en sud-américain.

Toutefois, déguisement ou non, le concept de la divinité l’Hunab Ku, à savoir : deux entités égales entrant en une relation harmonieuse et dont le mélange homogène créer une puissante et positive énergie vitale, est bien plus proche de la conception que se font les occidentaux du Yin et du Yang que du Yin-Yang lui-même.

Sources :

  • Léon Laulusa, Jean-Yves Eglem, « L’impact des valeurs confucéennes sur le processus de contrôle de gestion dans une entreprise d’État chinoise », Comptabilité – Contrôle – Audit, vol. 17, no 3, 2011. (lire en ligne?). 
  • Anne Cheng, « « Un Yin, un Yang, telle est la Voie » : les origines cosmologiques du parallélisme dans la pensée chinoise », Extrême-Orient, Extrême-Occident, vol. 11, 1989, (lire en ligne?).
  • Liu An (auteur), Charles le Blanc (dir.), Philosophes taoïstes, tome 2, Gallimard-Pléiade, 2003. 
  • Cyrille J.-D. Javary, Les Trois sagesses chinoises : Taoïsme, confucianisme, bouddhisme., Albain Michel, Spiritualités vivantes., 2012. 
  • https://fr.wikipedia.org/wiki/Yin_et_yang : pour l’extrait cité plus haut.

Publié par Museum Tales

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